Un poil d’accessibilité dans votre médiation numérique

par Julie Moynat, Copsaé
Pour le Hub Conumm
2 juin 2025
Présentation : Julie Moynat
- Consultante en accessibilité web et développeuse de sites web accessibles
- Blog personnel : La Lutine du Web.
Programme
- Conférence d’une heure en 3 parties :
- Partie 1 : Introduction sur l’accessibilité numérique ;
- Partie 2 : Un poil d’accessibilité pour vos mails, sites et réseaux sociaux ;
- Partie 3 : À quoi penser quand on choisit des outils numériques.
- Questions pendant 30 minutes.
Diaporama fourni à la fin.
Partie 1 : Introduction sur l’accessibilité numérique
Avec un focus sur l’accessibilité web.
Qu’est-ce que l’accessibilité numérique ?

Illustration d’une personne noire aux cheveux courts et épais, portant des lunettes de vue, est assise à un poste de travail organisé et utilise une application de loupe pour naviguer sur une page web. Sa posture est correcte et détendue. Sur le bureau : un ordinateur, une souris, une grande lampe de bureau et un petit carnet de notes.
Permettre aux personnes handicapées d’accéder à toutes les informations et d’utiliser tous les services numériques sans barrière, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation.
L’accessibilité numérique implique :
- Sites web ;
- Logiciels, applications mobiles, systèmes d’exploitation ;
- Outils permettant d’accéder au numérique (ordinateur, téléphone, bornes tactiles…).
Handicaps et besoins d’accessibilité web
Quelques exemples…
- Une personne malvoyante : textes suffisamment contrastés ;
- Une personne aveugle (navigue avec clavier et lecteur d’écran, parfois avec une plage Braille) : avoir un contenu structuré avec des titres ;
- Une personne sourde : vidéo sous-titrée ;
- Une personne tétraplégique qui navigue au contrôle à la voix : boutons et liens avec un nom visible ;
- Une personne avec trouble de l’attention : mettre en pause les images animées.

L’accessibilité : un droit humain avant tout
Un droit fondamental défini dans la Convention Relative aux Droits des Personnes Handicapées de 2006 de l’ONU.
Un site web pas accessible :
- Difficultés, voire impossibilité, pour les personnes handicapées à l’utiliser ;
- Discrimination.
Oppression systémique nommée « validisme » (lire les bonnes résolutions antivalidistes des Dévalideuses).

Bonne résolution n°1 : Je découvre le validisme ! (ou capacitisme) #JarrêteLeValidisme
En fond de l’image, une personne marche avec une canne blanche, utilisée par les personnes aveugles ou malvoyantes.
Des lois pour l’accessibilité numérique, en France, depuis 2005
- Obligation d’accessibilité pour les sites web et applications ;
- Organismes concernés :
- Organismes publics ;
- Organismes privés :
- Délégataires d’une mission de service public ou avec mission d’intérêt général (sous conditions) ;
- Avec un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros ;
- À partir du 28 juin, encore plus (dont e-commerce, sous conditions).
- Depuis 2023 : sanctions et contrôles dans la loi.
Pour creuser le sujet des lois sur l’accessibilité numérique

Le niveau d’inaccessibilité du web
- Le million WebAIM : plus de 90% du million de pages d’accueil ont des défauts d’accessibilité automatiquement détectables ;
- Sites publics en France : sur plus de 6000 sites contrôlés par l’Observatoire du respect des obligations d'accessibilité numérique, seuls 26 se déclarent totalement conforme au référentiel d’accessibilité (0,4% !) ;
- Dématérialisation des démarches forcée mais accessibilité pas au rendez-vous ;
- Les sites publics devraient tous être accessibles depuis 2011 !

Pas d’outil magique pour rendre accessible ou auditer

- Si vous entendez parler ou voyez un outil qui dit pouvoir rendre un site accessible en un clic, c’est faux : au maximum, ça aidera certaines personnes handicapées mais c’est même pas sûr ;
- Les outils de tests automatiques aident mais ne peuvent pas tout tester ;
- L’IA (dite « intelligence artificielle ») ne peut pas non plus rendre un site magiquement accessible ni l’auditer.
Rendre accessible à des êtres humains nécessite des êtres humains pour faire le travail correctement.
Et vous qui n’êtes pas des développeurs ou développeuses, en quoi ça vous concerne ?
- Vous produisez forcément des contenus (il suffit d’un e-mail) ;
- Pour échanger, travailler en collaboration, etc, vous utilisez des outils que toutes les personnes impliquées doivent utiliser.
Or, il y a peut-être une personne handicapée qui vous lit, qui échange avec vous.

Partie 2 : Un poil d’accessibilité pour vos mails, sites et réseaux sociaux
Comment produire des contenus un minimum accessibles ? Passons quelques règles en revue.
Structurer ses contenus avec des titres et listes
Objectif : permettre aux personnes aveugles ou ayant un handicap cognitif de se repérer, mieux comprendre, parcourir rapidement le contenu.
- Quand l’option existe, utiliser titres et listes pour structurer le contenu quand nécessaire ;
- Ne pas simplement utiliser du texte plus gros ou des tirets mais utiliser les options présentes dans l’éditeur ;
- Utiliser les titres de manière logique : un titre de niveau 3 est un sous-titre du titre de niveau 2. Vérifiez la hiérarchie avec l’extension de navigateur HeadingsMap (démo HeadingsMap).

Liens : des intitulés informant sur la destination
Objectif : éviter aux personnes aveugles, handicapées motrices ou cognitives, ayant déjà une navigation plus complexe, de visiter des pages pour rien.
- Si possible : écrire un intitulé explicite informant sur la destination du lien :
- Éviter « cliquer ici » et URL brutes (https://www.blabla…) ;
- Préférer les liens explicites comme « En savoir plus sur l’accessibilité numérique » ou intégrés dans une phrase.
- Pour les hashtags de plusieurs mots, écrire en casse de chameau 🐫.
Exemple : #nonaladissolutiondurgencepalestine devient #NonALaDissolutionDurgencePalestine

Images (1/3) : les alternatives
Objectif : permettre notamment aux personnes aveugles ou très malvoyantes d’accéder aux informations véhiculées par les images.
L’alternative d’image :
- Est à remplir tout le temps sur les réseaux sociaux ou si seule dans un lien, mais autrement seulement si l’image apporte une information ;
- Permet de comprendre l’information qu’on veut transmettre via l’image. Pas tous les détails ;
- Ne donne pas d’information qu’on ne voit pas dans l’image ;
- Est cachée, donc ne répond pas à tous les besoins (malvoyance, dyslexie…) : éviter les images de texte, sinon recopier le texte brut dans le message visible de toustes, pas dans l’alternative.
Un article pour aller plus loin « Comment partager une image de façon accessible ? », Copsaé
Images (2/3) : décorative ou informative ?
Exemple 1
Regardez qui j’ai vu en bord de Sèvre à Nantes !
Alternative = Une vache marron avec les poils longs et des grandes cornes passe sa tête par une clôture barbelée et tire légèrement la langue.
Exemple 2
Ce taureau Highland (marron à poils longs et grandes cornes), passant sa tête par la clôture barbelée, vous salue en tirant la langue !
![]()
Alternative vide ici. L’image est décorative.
Sauf si on est sur les réseaux sociaux : « Le taureau » suffirait alors.
Images (3/3) : avec du texte
Voilà ma nouvelle pancarte antivalidiste pour la manifestation !
L’accessibilité est politique ! Soyez antivalidistes !Avec le drapeau handi !
Alternative = La pancarte en carton avec écrit le texte cité dans mon message en noir et rouge et le dessin du drapeau handi (fond noir et 5 bandes en diagonale de couleurs vert, bleu, blanc, jaune, rouge).
- Surtout pas d’URL dans les alternatives !
- Et les couleurs pour les personnes daltoniennes ?
Caractères spéciaux : gare aux abus !
Objectif : permettre notamment aux personnes aveugles ou dyslexiques de lire et comprendre les contenus.
- Le faux gras, c’est non ! (démo faux gras)
- On n’abuse pas des émojis ! (démo émojis)
- Écriture inclusive : il n’y a pas que le point médian dans la vie :
- C’est aussi reformuler : mots épicènes, double flexion, accords de proximité et de majorité, le genre neutre (néologismes et terminaisons collées)…
- Abréviations en dernier recours. Si besoin, préférer l’apostrophe : ami’es (une seule apostrophe).
Les salariés sont tous venus en kilt et nombreux à la réunion.
Les salarié’es ont toustes assisté en kilt et en nombre à la réunion.

Multimédia (audio ou vidéo) : le minimum à faire
Objectif : permettre notamment aux personnes ayant un handicap visuel et/ou auditif d’accéder à l’information.
- Vidéos :
- Sous-titrer pour les personnes sourdes ou malentendantes ;
- Vocaliser les informations affichées à l’écran (textes, images qui apportent de l’information) pour les personnes aveugles ou malvoyantes ;
- Si possible, faire une version texte (transcription textuelle) reprenant les informations sonores et visuelles pour les personnes sourdes-aveugles.
- Audios (podcasts…) : faire une transcription textuelle reprenant les informations sonores pour les personnes sourdes ou malentendantes.

Partie 3 : À quoi penser quand on choisit des outils numériques
Se poser la question de comment les personnes handicapées avec qui vous interagissez pourront utiliser les outils dont vous avez besoin.
Questions que vous pourriez vous poser
- Est-ce que la personne avec qui j’échange est handicapée ? A-t-elle des besoins d’accessibilité pour les outils numériques ? Lesquels ?
- Comment je lui pose la question sans que ce soit intrusif, si elle ne l’aborde pas elle-même ?
- La personne veut utiliser tel outil des GAFAM mais je déteste les GAFAM, j’utilise que des logiciels libres. Que faire ?

Exemple d’outil : la visio
-
Pour les personnes sourdes ou malentendantes : plutôt Google Meet ou Teams pour la qualité du sous-titrage automatique
Attention le sous-titrage automatique n’est pas idéal : mieux vaut les prestations humaines.
(Lire Emmanuelle Aboaf dans « Peut-on se passer facilement des GAFAM pour le sous-titrage automatique ? », 2025) ;
-
Pour les personnes aveugles : plutôt Zoom ou Teams pour l’accessibilité avec un lecteur d’écran, ou le téléphone.
Même si… certains outils libres tendent à s’améliorer.
(Lire Sylvie Duchateau dans « Visioconférences et accessibilité : que peut-on espérer ? », 2020).

Exemple d’outil : le partage de documents
- Édition de fichiers collaborative en ligne pas simple pour les personnes aveugles, notamment ;
- Nextcloud en ligne pas accessible (ça commence à s’améliorer un peu)
mais on peut se connecter à l’explorateur de fichiers de son ordi
(mais il faudra sûrement de l’aide d’une personne voyante).
Google Drive et OneDrive font mieux ; - Une solution : envoyer les documents en pièce-jointe d’un mail ;
- Préférer le partage de fichiers documents DOCX, ODT plutôt que PDF ;
- C’est à vous de gérer l’accessibilité du contenu des documents.
Lire « Rédiger des documents collaboratifs avec un lecteur d’écran #4 : Google Docs, Framapad ou Word Online ? », Access42, 2018.

Questionner les personnes, ne pas imposer d’outil
- Laisser les personnes dire les outils qu’elles préfèrent :
Avez-vous un outil de visio préféré ? Si non, je vous propose d’utiliser tel outil.
; - Si nécessaire, demander les besoins d’accessibilité concernant les échanges, pas le handicap ;
- Si l’outil ne fonctionne pas, questionner ses réseaux et des personnes qui ont le même handicap, puis tester avec la personne ;
- Ne pas imposer, rester flexible (même si ça implique de passer par les GAFAM) !
Note : les outils évoluent tout le temps et l’(in)accessibilité n’est jamais garantie dans le temps.

Conclusion
- L’accessibilité, c’est l’affaire de toustes, partout, tout le temps ;
- Questionnez vos façons de faire pour discriminer le moins possible (on ne sait pas tout) ;
- Écoutez ce que les personnes handicapées vous disent de leurs besoins ;
- S’adapter et être souple autant que possible ;
- Cette conférence était trop courte pour tout voir. N’hésitez pas à potasser les ressources et à suivre une vraie formation.

Ressources
- Notice éditoriale AcceDe Web ;
- Plusieurs ressources sur les documents accessibles, Wiki La Lutine du web ;
- Réseaux sociaux et accessibilité, une série d’articles de Coryse Quibel, chez Access42 ;
- Enquête WebAIM sur les utilisateurices de lecteur d’écran, 2023 ;
- Ressources sur les chiffres du handicap, Wiki La Lutine du Web.
Merci de votre attention !
Diaporama : conferences.copsae.fr/2025-hub-conumm/
Des questions ?
- Diaporama accessible : AccesSlide
- Police d’écriture : Atkinson Hyperlegible
- Images :
- Diapo 1 : photo d’origine par Amber Kipp sur « Unsplash » ;
- Diapo 5 : Sherm pour « Disabled and here » ;
- Diapo 6 : Jordan Nicholson pour « Disability:IN » ;
- Diapo 7 : Les Dévalideuses ;
- Diapo 8 : Chona Kasinger pour « Disabled and here » ;
- Diapo 9 : Sebastian Molinares sur « Unsplash » ;
- Diapo 10 : Zooey Li sur « Unsplash » ;
- Diapo 11 et 15 : Transly Translation Agency sur « Unsplash » ;
- Diapo 21 : Eugenia Pankiv sur « Unsplash » ;
- Diapo 22 : Viktoria Lavrynenko sur « Unsplash » ;
- Diapo 23 : Daria Nepriakhina sur « Unsplash » ;
- Diapo 24 : Sagar Kulkarni sur « Unsplash » ;
- Diapo 25 : Todd Trapani sur « Unsplash ».